Mon émancipation numérique

Journal d'un incompétant

Ce journal a pour but de retracer le chemin que j'ai parcouru ces derniers mois pour me libérer de l'emprise des grandes entreprises de la tech.

Je commence par une brève synthèse de ma situation numérique mi 2024.

Je vis en campagne et je suis professionnel de santé. Je viens d'avoir la fibre : je passe de 20mb sur un modem 4g le vent dans le dos à 5gb/1gb. Tous mes postes de travail sont sous Windows et les smartphones familiaux sont des google pixels. Je suis un vieux briscard de l'informatique auto-formé au MS-DOS et à l'optimisation de chaque octet de RAM dans les années 90. Je suis “a l'aise” avec les outils numériques sans pour autant savoir coder. Depuis les années 2000, j'ai de moins en moins de temps à consacrer à mon hygiène numérique et je suis devenu un consommateur lambda des solutions toutes faites de Google. Mais j'utilise depuis plusieurs années Adguard sous Android et ublock origin sous windows chrome pour aller sur le net, ce qui me procure un certain confort de navigation. Au point que utiliser un navigateur sans anti-pub est pour moi un calvaire.

Je n'ai rien à cacher. Mais ...

Je n'ai rien d'un militant. J'ai juste de profondes convictions. L'instabilité politique du pays lors de l'été 2024 m'inquiète. Mes données et celles de mes proches pourraient laisser transparaître mes idées qui sont plutôt divergentes d'avec les partis réactionnaires “émergeants”. L'idée d'une migration vers d'autres services que les plateformes états-uniennes a germé depuis quelques mois. J'ai décidé de franchir le pas quand les américains sont devenus complètement infréquentables au mois de janvier 2025. La transition vers des alternatives Open Source s'est fait avec ma famille sur les 7 derniers mois. Je conçois l'informatique de plus en plus comme un outil politique.

Etat des lieux de ma dépendance aux GAFAM à l'été 2024 :

Google : chrome / keep / google photos / contacts / calendriers / smartphones android pixels. Pour mon épouse et moi.

Apple : rien du tout.

Méta : j'ai eu quelques minutes un compte facebook et Instagram. les fils sont saturés de pubs et de recommandations inutiles. j'ai dégagé ça dans l'heure après l'installation. Par contre je me sers activement de whatsapp pour toutes mes conversations familiales et professionnelles.

Amazon : je vis en bousie profonde. c'est le service qui me semble le plus difficile à évincer.

Microsoft : tous les postes de travail sont sous Windows : 5 pc dont 1 portable.

autres problématiques de vie privée : pas de compte twitter mais un compte Strava et Zwift bien actifs. 2 vieilles bagnoles pas connectées. Pas de réseaux sociaux.

1/ “Degoogleisation” des smartphones

Automne 2024. Mon smartphone est un Pixel 4a. J'entends parler de GrapheneOS. Je decide de m'acheter un 2ème Pixel 4a d'occasion pour l'essayer et me faire la main. L'installation est déconcertante de facilité. Mais j’hésite à sauter le pas. Mes habitudes sont tellement ancrées dans l'univers de google que ca me semble insurmontable. Je teste quelques logiciels open source avec obtainium mais je reste chez google.

Janvier 2025 : Mon épouse casse son pixel 3a en le faisant tomber dans les escaliers. Je lui propose d'utiliser mon 2e pixel 4a sous GrapheneOS en remplacement mais en lui installant tout de meme les services google play sandboxés. C'est une adoption immédiate sans trop de difficulté. Elle n'est pas du tout technophile mais elle se sent tout de suite chez elle. J'installe les apps de google qu'elle utilise (keep/photos/gmail/maps) et je commence à lui proposer quelques alternatives open source pour le reste ainsi qu'a rationaliser les applications non nécessaires. Elle garde son compte Whatsapp et on s'aperçoit que la localisation du smartphone s'active environ 3 fois par minute à cause de cette application. La led de grapheneOS signale ce type d’accès alors que la rom d'origine ne le fait pas. On peut d’ailleurs facilement interdire ce type d'autorisation avec gOS.

Février 2025 : Tout se passe si simplement que je decide de passer aussi mon pixel 4a sous grapheneOS d'autant qu'une mise à jour de google rend l'autonomie de ce telephone famélique au point qu'il devient inutilisable avec la rom d'origine. J'en profite pour remplacer ma batterie avec un tuto d'ifixit, là aussi sans trop de difficulté.

Juin 2025 : Mes 2 enfants sont au collège et vont avoir besoin socialement de smartphones. Nous décidons mon épouse et moi d'investir dans des pixel 8 que je vais flasher immédiatement sous grapheneOS et de donner les 2 pixel 4a aux enfants. Toute la famille migre vers Signal à la place de Whatsapp. Je supprime mon compte Whatsapp. J'installe des applis FOSS et pour quelques applis propriétaires j'installe des PWA. A noter que j'utilise comme contrôle parental TimeLimit qui fait bien le job. Au final sur mon smartphone, la seule application à source fermée que je conserve sur mon profil principal, c'est “Adguard Android” qui nettoie les pages web avec une efficacité inégalée.

2/ Les services

En parallèle de la libération de nos smartphones familiaux, se pose le problème de l’utilisation des services de google. Début 2025, toutes nos données sont chez google : – 25 ans de mails – 20 ans de photos numériques – contacts – calendriers – notes – mots de passe

Je prends un compte Proton pour mon épouse et moi et je migre nos mails, calendriers et mots de passe. L'application Proton Pass est très bien faite et les alias à utiliser pour chaque compte sont facilement générés et enregistrés quand on en a besoin. Leur application proton drive est affreusement lente et inutilisable pour les photos et je décide donc d'essayer une autre solution. Sur un vieux PC passif de 8 ans d'age, j'installe UmbrelOS et je decide d'auto héberger immich.

C'est la révélation.

Je remplace rapidement UmbrelOS par Yunohost, éthiquement bien plus sain. Et là je m'aperçois que les possibilités semblent infinies : J’héberge nos photos pour toute le famille avec Immich, puis nos contacts avec Baikal, puis nos notes avec Joplin, puis une instance searxng, puis un serveur minecraft pour les enfants, puis toute sorte de frontends (piped, lingva, redlib), puis un flux RSS, puis Readeck, puis une instance mastodon familiale, etc ... Je découvre même un serveur mail déjà intégré de base dans la distribution.

Je rappelle que je n'ai jamais touché à Linux (sauf pour un bref test a la fin des années 90, peu concluant). Il n'y aucune ligne de code à utiliser.

3/ Dernière étape : Se débarrasser de Windows sur les postes de travail

J'ai 5 PC à la maison 1 tour pour moi 1 tour pour mon épouse 1 tour pour mon fils, g@mer invétéré 1 tour pour Zwift 1 PC portable pour le boulot.

Naturellement, il va falloir passer sous Linux, sachant que j'ai 30 ans d'habitudes chez Microsoft depuis le MS-DOS 6.22. Je profite du renouvellement du PC de mon épouse pour lui proposer d’installer un Linux Mint en juillet 2025. La transition a été tellement simple depuis windows 11 que j'ai installé la distribution en 1 semaine sur tous nos PC (même le PC de g@mer de mon fils qui a pu installer tous ses jeux avec Lutris et la librairie Proton). LibreOffice remplace sans problème MS office sur tous les postes. Étrangement, la transition a été tellement simple que je n'ai rien de plus à dire ... Il y a eu un pas de géant qui a été réalisé par la communauté depuis mon essaie de Linux à la fin des années 90.

4/ Bilan de 7 mois de “degafamisation”

Au final, tout s'est fait assez simplement pour toute la famille au prix de pas mal de temps, tout de même. Il reste, au delà du sentiment de sécurité que cela procure, une satisfaction intense de savoir se protéger et de comprendre les rouages des mécanismes de surveillance numérique. L'entrée dans le monde de l'Open Source ressemble à un terrier de lapin avec des services plus ciblés et bien souvent meilleurs que les solutions propriétaires. On découvre une communauté bienveillante à mille lieu de ce qui est décrit sur les réseaux sociaux (que je n'ai d'ailleurs jamais fréquenté auparavant). Au détour de tout cela, j'ai aussi mis un pied dans le Fédiverse qui est un réseau peuplé de personnes marginales qui y trouvent une certaine sérénité (universitaires, nerds, islamo-gauchistes, minorités sexuelles). Et ça fait du bien. J'ai aussi la satisfaction que mes ados utilisent des outils numériques sécurisés et libres et partent dans la vie sur de meilleurs bases.

Que reste-t-il à faire ? – Strava à remplacer par FitTrackee ? – Zwift : aucune alternative open source. d'autant plus que l’intérêt de la plateforme reste sa fréquentation importante. – Clôturer le compte Whatsapp de mon épouse, mais je crois qu'elle ne l'abandonnera jamais. – Un serveur Matrix à la place de signal si #chatcontrol venait à être appliqué ?

Autour de moi, j'ai l'impression que cette question de souveraineté numérique est de plus en plus prégnante. J'espère que mes prises de position vont faire tache d'huile.